MEDIA

ECHOS DU TERRAIN

Partenariats public-privé (PPP) axés sur les intérêts de la population et objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD) : Une perspective africaine

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les spécialistes des partenariats public-privé (PPP) du monde entier ont engagé des discussions concernant l'impact de ce fléau sur les projets de PPP.

Selon une enquête effectuée au début de la pandémie[1], parmi les principaux défis liés à Covid-19 concernant les PPP, on pouvait y citer les suivants :

  1. Les inquiétudes suscitées par la baisse d'intérêt de la part des investisseurs pour certains types de projets PPP (notamment les futurs projets) en raison de la fragilité des marchés financiers ;
  2. Les craintes des investisseurs relatives à la solvabilité des projets en raison du déclin des économies et de la baisse des activités des usagers ;
  3. Les préoccupations relatives à la capacité des projets actuels à produire des revenus suffisants et sur celle des gouvernements à payer les frais prévus ;
  4. Les craintes relatives à la manière d'aborder les clauses de force majeure dans les contrats (dans le questionnaire réalisé, ce point figure en tête) ;
  5. L'ajustement des attentes en matière de résultats du projet dans le contrat, en raison des retards dans les travaux, des résiliations potentielles et des coûts qui en découlent ; et
  6. Les appréhensions liées à une législation rigide, c'est-à-dire des lois incapables de traiter de manière proactive les impacts sur les projets PPP.

L'enquête a également regroupé de manière pratique les réponses reçues en fonction des régions. En Afrique, les secteurs considérés les plus vulnérables face à la pandémie sont les transports, le tourisme et les loisirs, l'énergie et les soins de santé. Dans le secteur des transports, les types de projets vulnérables les plus fréquents (au niveau international) étaient les routes à péage, les chemins de fer, les aéroports et les ports.

Parmi les secteurs présentant le plus grand potentiel après la pandémie de Covid-19, les participants à l'enquête ont cité les soins de santé, les infrastructures numériques, l'agriculture, les énergies renouvelables et l'eau et l'assainissement.

Comme le relève l'enquête, il est intéressant de noter que, bien que les soins de santé soient considérés comme l'un des secteurs les plus à risque, ce secteur est également considéré comme l'un des plus prometteurs pour conclure des PPP. Les domaines des technologies vertes, renouvelables et intelligentes sont également considérés comme des secteurs prometteurs pour conclure de futurs PPP.

L'enquête comprenait également une section où on demandait aux répondants de fournir des recommandations relatives aux opportunités à saisir une fois la pandémie de Covid-19 terminée. Selon le rapport de l'enquête, parmi les réponses fournies, on peut citer la question à savoir si les projets contribuaient à créer de la valeur pour les gens, à l'avenir, à renforcer la viabilité et la résilience. L'amélioration des critères de sélection des projets conformément aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies (ONU) et la réalisation d'études de faisabilité permettant de sélectionner des projets fondés sur le mérite, viables et solides font également partie des recommandations. Il en est de même en ce qui concerne la demande pour accorder davantage la priorité aux projets de PPP visant à atteindre les ODD des Nations Unies et ceux axés sur les intérêts de la population.[2]

 

Les ODD de l'ONU

Les ODD de l'ONU[3] sont un ensemble de 17 objectifs mondiaux conçus pour être un « plan directeur pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous ».

Les 17 ODD sont intrinsèquement liés, c'est-à-dire qu'ils sont conçus de telle sorte que les mesures prises dans un domaine spécifique auront une incidence sur les résultats obtenus dans d'autres domaines et qu'on doit trouver un équilibre entre viabilité sociale, économique et environnementale pour assurer le développement.

Depuis l'adoption des ODD de l'ONU, un débat de grande ampleur est en cours sur la manière d'orienter un plus grand nombre d'investissements publics et privés vers la satisfaction des besoins en infrastructures dans le monde. En effet, selon des récentes estimations de la Banque africaine de développement, les besoins de financement de l’Afrique en matière d’infrastructures varient entre 130 à 170 milliards de dollars US par an, et le déficit de financement à combler est de l’ordre de 52 à 92 milliards de dollars US[4], et on envisage les PPP comme une possible solution afin de mobiliser ces fonds. À cet égard, il convient également de noter que dans le cadre de l'ODD17 (« Revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable »), on estime que le PPP pourrait être un instrument privilégié de mise en œuvre.   

Toutefois, comme le fait remarquer la Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE-ONU), tous les PPP ne sont pas conformes aux buts et objectifs des ODD de l'ONU, notamment en matière de développement durable ou d'éradication de la pauvreté[5]. En outre, les données révèlent que les PPP n'ont parfois pas permis d'obtenir les gains envisagés en termes de qualité lors de la prestation de services, notamment en ce qui concerne l'efficacité, la couverture et l'impact sur le développement.

Dans ce contexte, l'ONU a pris des initiatives visant à rendre le modèle de PPP conforme à ses objectifs de développement durable, en élargissant le champ d'application du PPP. Ce dernier n'est plus essentiellement un instrument financier qui offre un bon rapport qualité-prix, mais un outil de développement dont le principal objectif est d'assurer le développement durable et d'apporter la véritable « valeur au profit des personnes ».[6]

Partenariats public-privé (PPP) axés sur les intérêts de la population

Dans les PPP axés sur les intérêts de la population, on énonce clairement que, parmi toutes les parties prenantes au projet, la population doit être la priorité et la principale bénéficiaire. Ces projets doivent mettre l'accent sur un meilleur accès à l'eau, à l'énergie, au transport et à l'éducation par exemple, notamment pour les couches sociales les plus vulnérables. Ces types de projet doivent aussi promouvoir la cohésion sociale et la justice en rejetant toute forme de discrimination en raison de l'appartenance culturelle, ethnique ou religieuse.

Les cinq critères de définition des PPP axés sur les intérêts de la population vont également au-delà de l'habituelle analyse quantitative des projets ; ils mettent l'accent sur les dimensions qualitatives et quantitatives avant, pendant et après la mise en œuvre d'un projet.

Les PPP axés sur les intérêts de la population incluent les projets ayant les retombées suivantes :

  • Un plus grand accès aux services de première nécessité, réduction des inégalités et des injustices sociales
  • Efficacité économique et viabilité budgétaire accrues
  • Renforcement de la viabilité et de la capacité de résistance sur le plan environnemental
  • Promotion de la reproduction et de la mise en œuvre de futurs projets ; et
  • Plus grande implication des parties prenantes.

Ensemble, ces critères, ou réalisations, constituent ce que l'on appelle un PPP axé sur les intérêts de la population. La CEE-ONU élabore actuellement un outil d'auto-évaluation afin que ceux qui ont en font la demande puissent déterminer si un projet est conforme aux résultats escomptés pour ce type de projet. Cependant, face à un déficit de financement des infrastructures en Afrique estimé entre 52 et 92 milliards de dollars, le fait de se limiter à un petit nombre de projets axés sur les intérêts de la population ne sera pas suffisant à l'avenir.

Des centaines de PPP axés sur les intérêts de la population devront être entamés, et comme ils n'ont pas encore réussi à prendre de l'ampleur en Afrique, le défi doit être relevé de manière coordonnée. [7]

Comme le fait remarquer la CEE-ONU, il faut harmoniser autant que possible les procédures et les processus en amont et mettre en place un cadre propice pour réduire les coûts, simplifier et rendre efficaces les activités de renforcement des capacités dans le cadre de PPP axés sur les intérêts de la population, notamment au niveau local. Dans la liste des souhaits exprimés, il faudrait aussi inclure des manuels courts, précis et faciles à lire. Il conviendrait peut-être d'élaborer un « code de conduite » pour encourager des acteurs des secteurs public et privé et accroître leur confiance. De même, l'harmonisation, l'instauration de cadres juridiques et réglementaires adaptés, l'adoption d'une politique de tolérance zéro face à la corruption et la mise en place d'un mécanisme indépendant de règlement des litiges seraient utiles, tout comme l'implication totale de toutes les parties prenantes dans les projets, si l'on veut que les PPP commencent enfin à porter leurs fruits sur le continent, et ailleurs, afin de répondre aux « besoins réels » des populations.

Les gouvernements africains devront davantage renforcer leurs capacités et améliorer leurs institutions afin de réaliser des investissements publics plus propices, y compris des PPP axés sur les intérêts de la population, conformément aux ODD de l'ONU. C'est dans cette optique que des organisations internationales telles que la Banque africaine de développement et la Facilité africaine de soutien juridique, tirant parti des liens qu'elles entretiennent avec d'autres institutions financières internationales et partenaires gouvernementaux, continueront de travailler pour aider à combler le déficit en matière de capacités dans le secteur public afin d'apporter les connaissances et les compétences nécessaires.

 

La Facilité africaine de soutien juridique (« ALSF ») est une structure indépendante, financée et administrée par la Banque africaine de développement (la « Banque »), qui aide les pays clients en Afrique à négocier des contrats avec le secteur privé, notamment pour conclure des PPP. L'ALSF organise également des ateliers de renforcement des capacités, qui sont adaptés et ciblés au profit des pays membres régionaux de la Banque. L'ALSF conçoit des outils pour faciliter les opérations, notamment des boîtes à outils sectorielles concernant les PPP, qui permettent aux gouvernements de lancer des appels d'offres pour réaliser des projets, ainsi que des documents standard et des accords types. L'ALSF fournit des services de conseil aux gouvernements (y compris lors d'opérations visant à structurer des projets), en mettant à leur disposition des conseillers juridiques, financiers et techniques. L'ALSF examine régulièrement les cadres nationaux relatifs aux PPP et fait des recommandations d'expert afin d'améliorer ces cadres et de promouvoir la mise en œuvre des projets. L'ALSF met en place des numéros de téléphone gratuits pour fournir des conseils juridiques instantanés et spécialisés aux unités chargées des PPP, aux ministères et aux responsables des services compétents en matière de passation des marchés sur les questions relatives aux PPP. L'objectif est de permettre aux hauts fonctionnaires gouvernementaux de faire appel à l'ALSF lorsqu'ils ont besoin de capacités supplémentaires. Le soutien de l'ALSF peut également se faire sous forme d'assistance rapide, par exemple en examinant les aspects juridiques et institutionnels des études de faisabilité ou de propositions spontanées. Enfin, l'ALSF a élaboré des profils de pays relatifs aux PPP, qui sont publiés sur son site Internet et régulièrement mis à jour.

 

 


[1] David Baxter: 157 spécialistes des PPP provenant de 69 pays partagent leurs opinions sur la situation des PPP dans le contexte de la pandémie. Voir lien https://www.linkedin.com/pulse/157-ppp-practitioners-from-69-countries-share-insights-david-baxter/?trackingId=

[2] David Baxter: 157 spécialistes des PPP provenant de 69 pays partagent leurs opinions sur la situation des PPP dans le contexte de la pandémie. Voir lien  https://www.linkedin.com/pulse/157-ppp-practitioners-from-69-countries-share-insights-david-baxter/?trackingId=

[3] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/

[4] https://www.afdb.org/fr/news-and-events/press-releases/le-financement-des-infrastructures-en-afrique-atteint-un-niveau-record-en-2018-depassant-les-100-milliards-de-dollars-ica-32729

[5] Source : Centre international d'excellence de la CEE-ONU sur les PPP, quatrième Forum international au sujet des PPP, voir lien www.unece.org/ppp/forum2019.html  

[6] Source: Centre international d'excellence de la CEE-ONU sur les PPP, quatrième Forum international au sujet des PPP, voir lien www.unece.org/ppp/forum2019.html  

[7] Selon les profils des PPP par pays établis par la Facilité africaine de soutien juridique, sur 54 états africains, 33 ont déjà introduit une loi (ou une politique) sur les PPP et mis en place une unité spéciale chargée des PPP, tandis que six autres pays n'ont adopté qu'une loi ou une politique dans ce sens. En termes de valeur, au cours de la période 1999-2019, les projets de PPP réalisés en Afrique subsaharienne, ne représentaient qu'environ 5% du total des investissements dans ce domaine au niveau mondial. En Afrique, le marché des PPP est également concentré dans une poignée de pays. En termes de valeur, plus de 50 % de tous les PPP sont conclus dans cinq pays, à savoir l'Afrique du Sud, le Maroc, le Nigeria, l'Égypte et le Ghana.